Par André Larger
Le destin d’une ville tient parfois à quelques événements. Ainsi en a-t-il été au XVIIIe siècle pour sceller celui de Belfort, ville longtemps autrichienne, et faire entrer la ville dans le giron des Grimaldi.
- 1636 : Louis de la Suze s’empare de Belfort au nom du roi de France
- 1654 : Gaspard de la Suze, son fils, prend le parti de la Fronde et perd Belfort
- 1659 : Louis XIV accorde au cardinal Mazarin la seigneurie de Belfort
Le cardinal Mazarin prépare sa succession
Le cardinal qui a le sens de la famille fait venir ses neveux et nièces en France et s’attache à trouver de beaux partis pour ces dernières. Légataire universelle du cardinal, Hortense Mancini (1646-1699) épouse en 1661, dans la chapelle du palais Mazarin, le jeune Armand Charles de la Porte, marquis de la Meilleray (1632-1713). Mazarin a cependant émis des conditions à ce mariage : le marquis doit abandonner ses titres pour celui de duc de Mazarin et substituer à ses armes celles du cardinal. Autre fait important, l’héritage du cardinal peut être transmis par les femmes.
Le mariage n’est beau que sur le papier car Armand Charles a un comportement bizarre, bigot à l’extrême, sujet à des hallucinations, il voit Satan partout. De cela Hortense, se console en prenant des amants. Lorsque le cardinal meurt, elle hérite de ses biens et de ses titres et parmi ceux-ci de celui de comtesse de Belfort. La seigneurie de Belfort est désormais déclarée comté. Armand Charles devient duc de Mazarin.
Le nouveau duc, risée de la cour, s’occupe cependant fort bien de ses domaines. En plusieurs occasions il visite ses possessions alsaciennes. Charles Armand et Hortense ont plusieurs enfants mais finissent par se séparer. La comtesse de Belfort mène dès lors une vie errante, jalonnée de liaisons galantes.
D’héritiers en héritières
Paul Jules de la Porte (1666-1731) deuxième duc de Mazarin et comte de Belfort en 1713 est un homme frivole, dépensier. En 1685 il épouse Charlotte Félix Armande de Durfort de Duras. Couvert de dettes, sans cesse à la recherche d’argent, harcelé par ses créanciers, il ne laisse pas un bon souvenir en Haute Alsace.
Guy Paul Jules de la Porte (1701-1738) qui lui succède en 1731 ne vaut pas mieux. À la cour sa réputation est exécrable. À part lui rapporter de l’argent ses terres d’Alsace ne l’intéressent pas. Une des rares choses positives qu’il fait durant sa courte vie est d’épouser Félicité de Durfort de Duras qui lui donne une héritière, Louise Jeanne. Depuis la mort du cardinal Mazarin les comtes de Belfort bien que de haute noblesse ne sont pas des personnages très reluisants.
Louise Jeanne de Durfort de Duras (1735-1781) est par contre l’une des femmes les plus remarquables du XVIIIe siècle. Intelligente, cultivée elle est connue comme ayant été l’une des plus grandes collectionneuses d’art de son époque, protectrice d’artistes renommés. Elle ne regarde pas à la dépense et s’endette. Le 2 décembre 1747 elle épouse à Paris Louis Guy Marie d’Aumont dont elle a une fille, Louise Félicité Victoire dernière duchesse de Mazarin.
Belfort devient monégasque pour peu de temps
Le 15 juillet 1777 Louise Félicité Victoire d’Aumont (1759-1826) épouse Honoré IV Charles Anne Maurice Grimaldi, duc de Valentinois puis prince de Monaco. Honoré de Grimaldi obtient par édit de ne pas porter le titre de duc de Mazarin et de ne pas remplacer ses armes par celles du cardinal. Belfort est désormais sous la houlette monégasque. Durant la Révolution le couple se sépare. Louise Félicité Victoire, cinquième comtesse de Belfort, est emprisonnée plus d’un an sous la Terreur et perd ses biens dont elle retrouvera une partie sous la Restauration.
Le comté de Belfort disparaît à la Révolution mais les princes de Monaco en gardent le titre. Belfort qui n’a été monégasque que durant quelques années ne dépend plus de la principauté où demeurent une part de ses archives, mais en a conservé un lien sentimental très fort, nostalgie d’un temps où les titres nobiliaires faisaient rêver.